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La conception

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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 15:46

-La conception
D'après le dictionnaire de l'Académie française:
CONCEPTION N. F. XIIE SIÈCLE, AU SENS PHYSIOLOGIQUE. EMPRUNTÉ DU LATIN CONCEPTIO, «ACTION DE CONTENIR », PUIS «CONCEPTION », ET, EN LATIN CHRÉTIEN, «IDÉE, PENSÉE ».
I. Action de concevoir un être vivant(...)
II. FIG. Activité de l'esprit en vue de la compréhension ou de l'élaboration de quelque chose. 1. CLASS. Faculté de concevoir, de former des idées générales. Puissance, faiblesse de conception. Il manifeste une grande clarté de conception. Il a la conception facile, vive, lente. 2. Action de former le concept d'un objet et, par ext., d'appréhender un objet par la pensée; action de former dans son esprit, d'imaginer, d'inventer. Cette notion n'est pas susceptible d'une conception claire et distincte. (...) La conception d'un projet. Un projet au stade de la conception. Suivre un programme d'équipement de la conception à la réalisation. Les défauts de conception d'une machine. Un appareil de conception ancienne, récente. SPÉCIALT. Idée qui guide la création d'une œuvre et assure son unité. La conception et la facture d'un tableau. Une mise en scène, un décor de théâtre d'une conception originale. Un roman d'une conception audacieuse. 3. Ce que l'esprit crée, produit. Une des plus belles, des plus prodigieuses conceptions de l'esprit humain. SPÉCIALT. Doctrine, théorie. La conception platonicienne de l'État. (...) Des conceptions juridiques, architecturales. Les partisans, les tenants, les adversaires d'une conception. Par ext. Manière de considérer, d'envisager(...) 4. INFORM. Conception assistée par ordinateur ou C.A.O., ensemble des techniques informatiques qui permettent l'élaboration d'un produit nouveau. La conception assistée par ordinateur a de nombreuses applications dans l'industrie automobile et l'aéronautique.
Si nous en excluons le sens propre, cette définition du terme conception dénote des aspects imaginatifs et créatifs de l'acte de conception. Dans le cadre qui nous intéresse, la conception est l'«action de former le concept d'un objet (..) de former dans son esprit, d'imaginer, d'inventer». Cette vision globale de la conception s'applique à tous les domaines créatifs, qu'ils soient artistiques (arts plastiques, architecture, littérature, musique, cinéma, mode, ...), industriels (conception industrielle, ou design, architecture, ...) ou scientifiques (recherche, pédagogie, ...). D'ailleurs, en voulant recenser les domaines où intervient la notion de conception, on constate qu'il est difficile de «cataloguer» ces activités dans des domaines précis tant la notion de créativité est transversale. L'architecture, par exemple, est une discipline créative, science de la construction intégrant à la fois des connaissances scientifiques et techniques, mais aussi des notions esthétiques, artistiques et sociales.
Fort de cette définition et des aspects qu'elle soulève, nous proposons d'aller un peu plus avant dans l'étude du processus de conception: quels chemins et méthodes, d'un point de vue cognitif, vont être mis en œuvre pour concevoir et donc exprimer la créativité?
Le domaine de l'industrie et de l'étude des procédés industriels a fortement décomposé les phases nécessaires à l'aboutissement d'un produit (dans des domaines variés tels que la manufacture, l'architecture, la mécanique, etc.). Ainsi, d'une manière très simplifiée, le développement d'un produit se décompose en trois étapes: la conception dite industrielle, le développement et la fabrication. Dans cette organisation, la notion de créativité est «cloisonnée» à la première de ces étapes, elle est l'exclusivité du concepteur.
Pourtant, le domaine de la psychologie ergonomique a remis en question cette vision en étudiant et analysant les processus cognitifs mis en œuvre lors du déroulement d'un projet. Cette remise en question montre que la conception n'est pas une simple phase en amont d'un processus plus global de production, mais représente justement les activités tout au long de ce processus, «c'est désigner un ensemble de caractéristiques de certaines situations professionnelles, de la tâche dont on sait qu'elles vont engendrer certaines spécificités du raisonnement et donc de l'activité» [Béguin et Darses1998]. Ainsi, de tels travaux, confortés par des études de terrain, ont montré que les acteurs du processus de conception sont nombreux, impliqués en tous points du projet.
Il est alors une ambiguïté sur le terme de conception qui représente pour les ergonomes toute tâche créative lors des différentes étapes de production, et pour les procédés industriels seulement la première phase (le terme anglais «design» lève cette ambiguïté, ne désignant que cette première phase). Nous utiliserons le terme de conception (et donc de concepteur) dans le sens ou l'utilisent les ergonomes, c'est à dire comme représentant une activité créative intervenant à n'importe quelle étape. Dès lors, nous pouvons préciser que dans nos travaux, nous ne intéresserons qu'à la conception dans les premières phases d'un projet.
Nous préciserons dans cette section les aspects cognitifs majeurs du processus de conception dans un cadre individuel, en considérant principalement la notion de créativité.
Nous terminerons par un bilan sur ce que sont et ce que pourraient être les logiciels de support à cette créativité. En effet, le dernier point de la définition vue plus haut définit aussi la conception dans un contexte informatique: «Conception assistée par ordinateur ou C.A.O., ensemble des techniques informatiques qui permettent l'élaboration d'un produit nouveau. La conception assistée par ordinateur a de nombreuses applications dans l'industrie automobile et l'aéronautique». Cette définition est la seule qui ne cite pas d'aspects conceptuels et créatifs. C'est pourquoi nous irons au delà de cette vision des systèmes informatiques comme de simples calculateurs en dressant un bref état de l'art des travaux qui tendent à en faire de véritables supports à la créativité.
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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 15:48

1.2 La créativité dans la conception
Les nombreuses études sur le processus créatif ont toutes caractérisé trois activités primordiales: l'exploration, la génération des solutions et l'évaluation.

1.2.1 Les activités de la créativité
Ces activités, qui synthétisent aussi les points vus précédemment, sont essentiellement basées sur la connaissance. Connaissance que beaucoup s'accordent à qualifier de prépondérante dans le processus créatif, tant au sens du savoir et des acquis du concepteur que des données qu'il va devoir extraire de l'analyse du problème ou d'autres sources.
L'exploration
L'exploration est l'activité que l'on peut qualifier de recherche. Elle met en jeu les savoirs et l'expérience, mais aussi toutes les données externes que le concepteur va pouvoir récolter et assimiler autour de lui. Ainsi, elle permet de cerner le problème, de le situer afin de pouvoir constituer un espace des solutions possibles, de délimiter le problème par des contraintes.
Ernest EDMONDS et Linda CANDY synthétisent de leurs travaux que la connaissance est un élément clef dans l'exploration des idées, du savoir et des alternatives [Edmonds et Candy2002]. Les designers, par exemple, vont se servir des usages et de retours d'expériences pour concevoir ou améliorer un objet. Dès lors, l'exploration ne peut qu'être favorisée par un accès à des sources de données, contenant différents types de connaissances qui sont examinées, évaluées et interprétées dans le sens des buts du créateur (savoirs et acquis, travaux connexes, désirs du client, spécifications du problème, dossiers de conception, ...).
Il est évident que l'exploration est un processus ouvert, qui ne peut pas être formellement modélisé. Elle doit évidemment se situer dans le domaine particulier lié au problème, se focaliser sur un ensemble complet et accessible de connaissances: savoir où regarder et comment choisir la connaissance en sont les éléments prépondérants. Mais il est toutefois indispensable de ne pas négliger les transversalités.
[Edmonds et Candy2002] souligne ainsi des aspects importants de l'exploration:
Rupture avec les conventions. S'affranchir des attentes conventionnelles, qu'elles soient visuelles, structurelles ou conceptuelles, est une caractéristique majeure de l'esprit créatif.
Immersion. La complexité du processus créatif est servie par une immersion totale dans l'activité. Les distractions doivent êtres proscrites.
Vue holistique. Un problème de conception doit être pris en compte par une vue générale. Le concepteur doit ainsi être capable de se reprojeter dans n'importe quel point de vue et, en particulier, de trouver ceux d'où la conception émerge.
Chemins parallèles. Garder un nombre d'approches et de points de vue simultanés est un élément nécessaire à l'apparition de nouvelles idées.
La génération des solutions
Le processus créatif se fonde aussi sur l'expérimentation et l'exploration de solutions multiples. Il s'inscrit dans une démarche itérative pour développer un résultat original et nouveau [Csikszentmihalyi1999,Schön1983]. La génération des solutions possibles implique alors l'aspect critique de la formation du problème (se poser les bonnes questions, comme pour l'exploration).
Cette démarche est à la fois un processus de synthèse des connaissances, mais aussi de proposition et d'essai à partir de l'espace initialement délimité par l'exploration et la formulation du problème (d'où son importance). Ces solutions font largement appel à des ensembles de cas analogues, pouvant même surgir de domaines totalement différents à celui dans lequel s'inscrivent les préoccupations: il faut une certaine habilité à créer des associations1.1.
Dès lors, un point important de la démarche créative est la génération de beaucoup de solutions potentielles. La focalisation sur une seule solution, et donc un chemin unique de résolution qui est souvent le plus évident dans ce cas, offre de fait moins de possibilités pour atteindre l'une des meilleures solutions. Cette habilité à considérer des chemins parallèles dans la conception est un élément important de la génération de solutions, qualifié de pensée latérale [de Bono1973].
L'évaluation
Ces solutions potentielles doivent alors être évaluées par rapport à l'ensemble de contraintes qui ont été posées au départ, ou introduites a posteriori: il s'agit alors de modifier, reformuler ou écarter des solutions. Mais l'application de ces contraintes n'est pas une fin en soi, une validation finale du processus. Elle doit être considérée comme favorisant l'émergence de nouvelles solutions créatives et de fait, l'évaluation est un point primordial [Boden1997]. Elle est souvent constante, depuis la phase d'exploration. Ainsi, le processus est itératif, l'évaluation permanente modifiant l'espace des solutions (réduction ou plus rarement extension) afin de relancer de nouvelles explorations et solutions.
1.2.2 Les limites du modèle

Figure 1.1: Le concepteur irrationnel (figure a) caractérise la boîte noire, la partie cachée de la conception. Le concepteur rationnel (figure b) caractérise la boîte de verre. Ces images sont tirées d'illustrations de John Christopher JONES
Il est toutefois important de tempérer ce discours en ne l'enfermant pas dans une vision ou un modèle systématique de la démarche de conception. À la fin des années soixante, John Christopher JONES a d'ailleurs remis en question la formalisation de plus en plus profonde de ces processus. Par deux illustrations, associées au concepts de «boîte noire» et «boîte de verre», il a soulevé la part d'inconnu que recèlent les mécanismes créatifs. La figure 1.1(a) illustre le principe de la boîte noire, le concepteur humain qui va produire un résultat satisfaisant sans pour autant comprendre pourquoi. La figure 1.1(b) illustre le principe de la boîte de verre, le concepteur rationnel qui à partir d'entrées va produire la meilleure sortie possible.
Ces illustrations eurent un impact certain dans le domaine1.2: considérer le principe de la boîte noire revenait à abandonner toutes recherches sur le sujet alors que celui de la boîte de verre tendait à simplifier dramatiquement les processus de conception. Cela permis une certaine modération, « gardant la possibilité de qualifier d'artistique ce qui ne pouvait pas encore être qualifié de scientifique» [Chupin2002].
Pour l'heure actuelle, ce processus itératif d'exploration, de génération de solutions et surtout d'évaluation constante est admis, même si tous les mécanismes cognitifs qui le régissent et le mettent en œuvre restent non formalisables ou difficilement identifiables (est-ce que l'intuition, dont nous parlions précédemment, est une qualité qui ne s'exprime qu'à un moment précis ?). Par contre, une fois admis, ce processus soulève le problème des capacités cognitives humaines, d'autant plus que toutes ces activités sont entremêlées. Nombre d'études et de travaux dans les sciences cognitives ont montré nos limites sur ce point, que ce soit au niveau de la mémoire ou des capacités de calcul, Donald A. NORMAN affirmant même que les capacités cognitives humaines sont largement surestimées [Norman1993]. Il est alors indispensable pour un concepteur d'utiliser des supports externes, une extension cognitive tout au long des activités qui sollicitent lourdement ses capacités. Ces représentations externes des images mentales vont solliciter le système visuel pour soulager la charge cognitive, et c'est là le grand intérêt de l'écriture mais surtout du dessin. Quelle place lui est alors donnée dans le processus créatif ?
1.2.2.3 Le dessin/croquis dans la conception
Le dessin, et plus précisément le croquis, est considéré comme partie intégrante des activités de conception créative. Il est défini comme l'outil prépondérant de la pensée, «the most important Thinking tool» [Seitamaa-Hakkarainen et Hakkarainen2000,Goël et Pirolli1989,Goël1995]. Il est d'ailleurs d'usage que, dans leur formation, les concepteurs apprennent à maîtriser les techniques de dessin à main levée afin de pouvoir esquisser le plus rapidement et instinctivement possible. Cet apprentissage, et la maîtrise qui en découle, n'est pas dénué de sens. Le dessin est en effet vu par les spécialistes de la psychologie cognitive comme une représentation de l'activité mentale, fixant les idées dans les premières phases de la conception: la concrétisation de concepts. Mais plus que cela, ces représentations visuelles dessinées, qui prennent plusieurs formes suivant les phases de la conception, sont recombinées, modifiées et adaptées.
Eugene FERGUSON propose trois catégories de dessins réalisés par un concepteur [Ferguson1992]:
le dessin/croquis de la pensée («thinking sketch») qui supporte l'activité mentale du concepteur.
le dessin parlant («talking sketch») qui est un vecteur de communication et de discussion pour les acteurs du processus de conception.
le dessin prescriptif («prescriptive sketch») qui spécifie l'objet conçu pour les observateurs extérieurs au processus de conception.
C'est au premier, le dessin de la pensée, que nous allons essentiellement nous intéresser.
Dans la figure 1.2, un croquis de conception de l'architecte Harry SEIDLER reflète l'aspect esquissé, et donc imprécis, du dessin de conception, ainsi que la palette des représentations visuelles utilisées. Il n'y a ni format, ni restriction: celui-ci est complètement libre, le concepteur n'est pas tenu de respecter des conventions, des règles géométriques. Tout est bon pour supporter l'activité créative, et une même feuille peut alors contenir des dessins, notes écrites, symboles, calculs, etc

Figure 1.2: Un croquis de conception de l'architecte Harry SEIDLER pour «The Riverside Center», Brisbane, Australie, 1985 (tiré de [LacyNew York]).
Mais dans quel sens un tel dessin sert alors le processus de conception ?
Le concepteur ne se contente pas de dessiner, il observe aussi son dessin. Cette visualisation instantanée de sa pensée contient un grand nombre d'informations volontairement ou involontairement décrites. C'est justement de l'observation du dessin et de la découverte de ces idées et informations sous-jacentes que va apparaître une réaction, entraînant la naissance de nouvelles idées [Goldsmith2002,Suwa et al.1999]. On rejoint ce que nous avions précédemment exposé sur les liens et itérations entre exploration-évaluation-révision. Le dessin va être la trace de ces opérations, le support listant les contraintes du projet, la mémoire des idées instantanées, même si celles-ci semblent n'avoir aucun rapport avec le problème (exploration et génération de solutions).
Dans ce sens, il s'établit une «conversation visuelle» entre le concepteur et ses croquis, permettant l'évaluation et l'exploration de nouvelles idées [Schön1983,Goël1995]. La réflexion se fonde sur la relation établie entre la pensée et sa représentation sous forme de croquis. Nigel CROSS qualifie alors la conception de réflexive: «le concepteur doit maîtriser un genre de médium - le croquis - permettant aux idées partiellement formées d'être exprimées et réfléchies: d'être prises en considération, développées, rejetées, et reconsidérées.» [Cross2002]. Dès lors, le dessin ne peut que favoriser les décisions importantes lors des phases préliminaires de conception.
Le dessin va aussi être le support physique de révisions, raffinements et modifications. Dans le dessin de la figure 1.2, des éléments ont étés repassés et redessinés plusieurs fois (parties plus foncées, constituées de traits superposés). Cela reflète les révisions, retouches, affinages et combinaisons des idées et solutions tout au long de la création.
Une technique souvent utilisée par les concepteurs, et spécialement les architectes, est d'améliorer l'efficacité de ce principe de retouches en utilisant des calques. Cela facilite la création de séries de dessins. Mais ce ne sont pas seulement des versions ou évolutions différentes, des branches. Leur combinaison va aussi produire des solutions encore plus raffinées [Goldsmith2002].
Finalement, plus qu'un support, le dessin devient un instrument de création, par son aspect « flou». Le concepteur trace des traits qui ne sont pas forcément des descriptions précises de ses idées. Il peut alors les interpréter de différentes manières, mais ils restent ses traits et dans ce sens ils sont liés à ses idées, abstraites ou concrètes. Le concepteur expérimenté utilise le dessin pour générer des configurations qui peuvent alors «réveiller» des concepts ou objets qu'il n'avait pas encore portés au premier plan de sa pensée et qui peuvent être des solutions au problème posé. Gabriela GOLDSMITH en déduit d'ailleurs que ces «idées cachées» (« not-initially-accessible ideas») sont la clef de la compréhension du rôle du dessin dans la production de solutions: il faut chercher, car les idées, mêmes connues, n'émergent pas spontanément lorsque le processus créatif commence.
Les traits, le dessin et le dialogue critique du concepteur avec son dessin vont lui permettre de découvrir des conséquences inattendues. Tout type de visualisation peut aider à l'émergence de ces concepts, mais le dessin l'emporte de par ses avantages d'économie cognitive. Il est rapide et facile à produire, dynamique, flexible et il n'engage que peu d'efforts (nous reconnaissons et interprétons aisément nos propres dessins). Enfin, il focalise l'attention sur le problème, évitant de se disperser dans des recherches inappropriées.

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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 15:51

1.1.3 Systèmes informatiques de support à la créativité
La créativité est une notion en partie inexpliquée et sa formalisation est impossible, bien que simulable sur certains points (nous en revenons aux illustrations de John Christopher JONES, figure 1.1). L'icône de l'ordinateur auquel est posé un problème mal défini et qui en tire une solution novatrice est définitivement laissée à la créativité des auteurs de science-fiction et d'anticipation. Nous pensons d'ailleurs que cette vision est l'une des causes principale du refus, voire du dénigrement de l'informatique par beaucoup d'esprits créatifs; d'abord par la frustration, ou même la peur: «la machine ne remplacera jamais l'esprit humain»; ensuite par l'impression d'inutilité ou d'inadéquation de l'outil: «pourquoi passer du temps à maîtriser et utiliser un ordinateur alors qu'un simple
papier et un crayon suffisent».
Certains exemples prouvent pourtant que les outils informatiques peuvent supporter la créativité, voire même faire apparaître de nouvelles formes d'art (voir par exemple le festival SCOPITONE à NANTES:
http://www.scopitone.org
). Seulement, on constate souvent que ces artistes numériques ont du s'approprier et même souvent détourner des techniques. Un tel travail nécessite beaucoup d'efforts et de... créativité.
La question qui se pose, dès lors que le domaine de la psychologie cognitive a réussi à lever quelques zones d'ombres du processus créatif, est quels outils informatiques peuvent permettre de fournir un support à la créativité? Mais avant cela, que peut apporter un outil informatique dans un processus créatif? Pour répondre à ces questions, nous nous plaçons dans deux contextes différents: les outils détournés et les outils intégrés.
1.2.3.1 Les outils détournés
Nous avons déjà rapidement évoqué le fait que l'aspect nouvelle technique de l'informatique a introduit de nouvelles formes de création. Il est évident, et l'histoire de l'art le montre, que certains créateurs-artistes ont toujours été à l'affût et à la pointe des nouvelles techniques pour exercer leur créativité (souvent au grand dam de leurs contemporains y voyant un manque évident de sens artistique et de bon goût). Nous ne nous poserons pas la question de savoir si c'est cette créativité qui a engendré une rupture avec les techniques standards ou si c'est justement ses techniques qui ne stimulaient pas convenablement la créativité. Nous constaterons seulement que la fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouvelles formes de création, directement liées à l'emploi d'outils numériques et informatiques (musiques électroniques, peinture numérique et modélisation 3D, mondes virtuels, etc.). Cet aspect des outils informatiques pour la création n'est pas le propos de notre travail, mais permet toutefois un constat intéressant: beaucoup d'outils informatiques initialement conçus pour s'intégrer dans des processus créatifs dits «traditionnels» ont initié de nouvelles formes de création, sans pour autant remplir toutes les tâches auxquelles ils étaient destinés.
Il reste alors à savoir où réside l'apport créatif à ce niveau: avoir eu l'inspiration d'utiliser ces outils pour ouvrir de nouveaux «buts» (en l'occurrence, de nouvelles formes d'art), ou bien continuer à les utiliser pour atteindre ces buts.

1.1.3.1 Les outils détournés
Nous avons déjà rapidement évoqué le fait que l'aspect nouvelle technique de l'informatique a introduit de nouvelles formes de création. Il est évident, et l'histoire de l'art le montre, que certains créateurs-artistes ont toujours été à l'affût et à la pointe des nouvelles techniques pour exercer leur créativité (souvent au grand dam de leurs contemporains y voyant un manque évident de sens artistique et de bon goût). Nous ne nous poserons pas la question de savoir si c'est cette créativité qui a engendré une rupture avec les techniques standards ou si c'est justement ses techniques qui ne stimulaient pas convenablement la créativité. Nous constaterons seulement que la fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouvelles formes de création, directement liées à l'emploi d'outils numériques et informatiques (musiques électroniques, peinture numérique et modélisation 3D, mondes virtuels, etc.). Cet aspect des outils informatiques pour la création n'est pas le propos de notre travail, mais permet toutefois un constat intéressant: beaucoup d'outils informatiques initialement conçus pour s'intégrer dans des processus créatifs dits «traditionnels» ont initié de nouvelles formes de création, sans pour autant remplir toutes les tâches auxquelles ils étaient destinés.
Il reste alors à savoir où réside l'apport créatif à ce niveau: avoir eu l'inspiration d'utiliser ces outils pour ouvrir de nouveaux «buts» (en l'occurrence, de nouvelles formes d'art), ou bien continuer à les utiliser pour atteindre ces buts.
1.1.3.2 Les outils intégrés
Plus proche des méthodes traditionnelles, et dans l'optique de nos travaux, il est une tendance visant à promouvoir les systèmes informatiques au rang de compagnon privilégié du processus créatif, au même titre que le dessin. Mais plus qu'un simple support, la large palette des techniques informatiques existantes peut apporter des valeurs ajoutées indéniables. Il est toutefois indispensable de considérer leur intégration aux étapes du processus créatif, dans le but de le favoriser (et non de s'y substituer):
Lors de l'exploration. Il est évident que les systèmes d'information sont devenus des media prépondérants dans l'accès à la connaissance sous toutes ses formes et son partage, offrant des méthodes en constante évolution pour son étude, son analyse, sa fusion (bibliothèques numériques, banques de sons, images et vidéos, bases de connaissances, extraction de données, etc...). L'association de ses techniques peut sans aucun doute favoriser l'analyse de problèmes.
Pour la génération de solutions. Il n'est pas impensable d'utiliser un ordinateur comme «bloc-notes» lors de l'apparition ou de la proposition d'idées. Associé aux méthodes d'interprétation (dessin, texte, parole), aux capacités d'archivage et aux systèmes récents de manipulation de la connaissance, il est probable que ce serait un support à l'émergence de nouvelles possibilités pour la découverte d'analogies (et la génération automatique de solutions, dans une moindre mesure).
Pour l'évaluation. Au niveau des évaluations numériques, les capacités des ordinateurs nous dépassent largement. Pour des cas précis, l'utilisation de modèles et de simulations sont des atouts indéniables. Mais aussi, les techniques de visualisation d'une manière générale peuvent donner une autre vision de ses idées au concepteur, lui permettant alors de les évaluer autrement.
Cette liste d'apports possibles ne se veut évidement pas exhaustive. Il est toutefois un point commun que partagent toutes ses valeurs ajoutées: la nécessité de les intégrer au processus de conception. Et cette intégration passe évidemment par les méthodes d'interaction et de visualisation que va proposer le système, afin d'établir un dialogue similaire à celui que crée le concepteur avec ses dessins, par exemple.
Une approche système
C'est pourtant de tout autres chemins qui ont été historiquement suivis en informatique. La première préoccupation a été de fournir les méthodes de calculs, les modèles analytiques permettant de résoudre des problèmes bien définis. Dès lors, apparaissent des noyaux fonctionnels ultra-performants, dans des domaines variés tels que le traitement de texte et la PAO (publication assistée par ordinateur), la CAO et modélisation 3D, la MAO (musique assistée par ordinateur) et tous les X-AO que nous connaissons.
Mais, bien que les fonctionnalités et les possibilités de ces logiciels soient très étendues, les interactions et l'approche de construction qu'ils proposent ne prennent pas en compte les aspects du processus créatif que nous avons évoqués. Leurs démarches sont intimement liées aux techniques analytiques de leurs noyaux fonctionnels, nécessitant un maximum de données et de contraintes pour produire un résultat, écartant ainsi beaucoup des aspects incrémentaux et itératifs de la conception. De fait, les interfaces et les interactions se résument à des points d'accès aux fonctions du logiciel, ne laissant que peu de place à la retouche, la comparaison, le façonnage d'un concept.
Plusieurs études viennent appuyer ce discours. L'une d'elles porte sur les processus cognitifs mis en jeux lors de la création de graphismes avec un logiciel de PAO (Adobe Illustrator, en l'occurrence) par des professionnels habitués à cet outil [Bonnardel et Piolat2003].
Les auteurs constatent que l'utilisation de ce système, basé sur les mêmes paradigmes d'interaction que ses concurrents, pousse les concepteurs à prendre au plus vite des décisions majeures à propos de caractéristiques locales de l'objet à concevoir, et ce dans le but d'en obtenir au plus vite une représentation graphique (comme lorsqu'ils dessinent). Nous en revenons donc à notre propos précédent, ces outils nécessitent des données précises sur l'objet créé, qui ne sont pas forcément encore définies dans les premières étapes de conception. Mais il est évident que faire de tels choix dans les phases préliminaires réduit ipso facto l'espace des solutions possibles au problème. Dès lors, la créativité en est forcément limitée: moins d'ouverture à d'autres solutions, modifications ultérieures difficiles ou impossibles, peu de possibilités de transversalité. Cela implique un changement complet de démarche pour l'utilisateur.
Mais cette même étude soulève aussi le problème de l'effort cognitif important que génère le traitement de ces mêmes caractéristiques locales. Les auteurs supposent sur ce point que de telles préoccupations dans les toutes premières phases de la conception induisent des choix conflictuels nécessitant alors l'utilisation de fonctionnalités avancées du logiciel. Seulement, accéder à ces fonctions avancées n'est pas trivial et occupe des «ressources» cognitives qui ne sont alors plus disponibles pour l'activité créative.
Il est dommage que cette étude n'ait pas effectué une comparaison de la même tâche sans l'outil informatique afin de conforter réellement ses résultats (comme dans [Whitefield1986] où une telle comparaison a permis d'identifier des différences dans la tâche, sans toutefois se focaliser sur les aspects cognitifs engagés). Comment doivent alors êtres conçus les outils informatiques de support à la création?
Une approche utilisateur
Il est très peu envisageable de remettre en question la structure interne des logiciels pour «modéliser» les processus humains. Comme nous l'avons déjà souligné, il reste une part d'inconnu dans les aspects cognitifs que nous n'éclaircirons probablement pas. Comment alors les modéliser, ou au mieux les simuler. Nous pensons que la remise en question ne doit pas se poser à ce niveau et qu'il est nécessaire de conserver le fonctionnement analytique des logiciels: laissons l'ordinateur faire ce qu'il peut faire et bien, à savoir résoudre des problèmes analytiques qu'un concepteur ne peut résoudre simplement. Toutefois, ces fonctionnalités doivent évoluer pour s'inscrire dans des démarches moins strictes, plus adaptées à la conception (ainsi, pourquoi le noyau d'un modeleur 3D n'intégrerait pas aussi des outils de recherche d'analogies, ou de suggestions sur des objets incomplets).
Mais nous pensons surtout qu'une meilleure intégration du logiciel passe avant tout par une adaptation de ses interactions à l'utilisateur, une intégration basée sur la tâche à réaliser et sur la méthode (consciente ou non) qu'emploie l'utilisateur: une conception centrée utilisateur [Norman et Draper1986,Norman1998,Mackay et al.1998] plutôt que système. Là encore, il ne s'agit pas de produire un reflet du processus cognitif qu'engage l'utilisateur dans la tâche de conception [Flach et Bennett1996]. Nous retomberions dans les travers qui imposent une seule vision, une seule méthode et un seul chemin possible à l'utilisateur. Il s'agit de s'inscrire dans un principe d'interface écologique, ou chaque action réalisable et chaque but possible sont clairement accessibles et lisibles, sans pour autant être imposés. Le libre arbitre est laissé au concepteur, qui conserve la maîtrise de la méthode, des intentions et des décisions en s'appuyant sur des outils visibles et adaptés.
Considérons alors le dessin dans la conception créative. Son utilisation est simple, intuitive et naturelle. Aucun système de CAO actuel ne peut rivaliser en terme d'adéquation à la tâche et d'aisance d'utilisation. Ils ne permettent ni de reproduire, ni d'utiliser une technique aussi limpide que le dessin à main levé, essentiellement à cause de leur approche système, centrée autour des fonctionnalités de l'outil plutôt que son utilisation dans un contexte créatif [Eisentraut et Günther1997,Suwa et Tversky1997]. Dans ce sens, nous apprécions la qualification de Jean-Pierre CHUPIN qui considère que «la plupart des logiciels de CAO se comportent encore comme des assistants de dessin suréquipés» [Chupin2002]. Car, contrairement au dessin qui laisse libre champ au concepteur, l'utilisation de ces outils présuppose de la maturité du projet, ne supportant donc pas la conception créative. Il est alors nécessaire d'adapter aussi la structure même de ces logiciels afin qu'ils s'inscrivent dans un processus flou, moins descriptif et plus conceptuel.
Nous pouvons donc synthétiser ces remarques par le fait que les outils informatiques peuvent supporter la créativité à au moins deux niveaux distincts:
en aidant à collecter le savoir et la connaissance, à les partager, les intégrer et voire même à générer les idées: intégration des savoirs et des savoirs-faire.
en permettant la création d'artefacts créatifs dans un domaine particulier en fournissant les fonctionnalités critiques de manière claire, directe et utile: une interface écologique, avec des paradigmes d'interaction et des métaphores adaptés.
Des exemples significatifs
Des travaux comme ceux de Sharon GREENE, [Greene2002], ou Michael TERRY, [Terry et Mynatt2002], incluent déjà des notions d'exploration indispensables à la créativité. Ces outils ont été conçus pour faciliter l'exploration et l'expérimentation en permettant à l'utilisateur de ne pas faire de choix définitifs (retour arrière, itérations), mais aussi d'avoir des vues des différents choix possibles.

Le principe des Side-Views [Terry et Mynatt2002,Terry et al.2004], par exemple, est une technique très adaptée à l'exploration de solutions. Les Side-Views sont des vues instantanées de l'application partielle d'une commande à l'objet d'intérêt. Ces vues peuvent être rendues persistantes si l'utilisateur le souhaite. Ainsi, de par leur aspect dynamique, elles peuvent être appliquées, ou même chaînées et composées entre elles. La figure 1.3 montre l'application simple de ce principe à un outil d'édition d'images.
D'une part, ces vues rendent plus explicites les possibilités et fonctionnalités de l'outil. Mais elles sont surtout une trace de la construction de chemins alternatifs dans l'exploration de solutions.


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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 15:58

Cette prévisualisation et manipulation des solutions possibles est une réalisation des «What-if tools», principe plus général proposé par Ben SHNEIDERMAN [Shneiderman2000]. Il souligne en effet l'aspect fondamental de pouvoir, dans un processus créatif, essayer, expérimenter et retracer la démarche sans pour autant la figer. Mais plus que cela, il propose aussi un cadre complet pour l'intégration des outils informatiques dans la démarche de conception créative [Shneiderman2000,Shneiderman2002]. Cette proposition met en relation les quatre activités principales du processus créatif, «Collect - Relate - Create - Donate», avec huit tâches pouvant supporter la créativité, voire l'améliorer. La figure 1.4 représente ces associations.
Il est intéressant de constater que beaucoup d'outils informatiques existent déjà pour accomplir beaucoup de ces tâches (recherche d'informations, visualisation, collaboration, simulations, etc.). L'enjeu majeur est alors leur combinaison et leur intégration homogène et transparente dans un même environnement, un contexte créatif.

Toutefois, bien que les activités d'exploration, collaboration et dissémination (collect, relate et donate) soient couvertes par beaucoup d'outils informatiques, il reste à notre avis un long chemin à parcourir pour atteindre un support efficace de l'activité de création (create). Nous en revenons donc toujours au problème de la démarche inadaptée qu'imposent les outils actuels, car par trop axée sur une conception orientée système, ne supportant pas ou très peu les aspects flous de la démarche créative (ce que Ben SHNEIDERMAN appelle en particulier «Thinking by free associations, Exploring solutions, etc.»).
C'est sur cet aspect précis de la conception créative que nous positionnons nos travaux: comment concevoir un outil informatique de support, et même d'amélioration, de la créativité dans les premières phases de la conception ? Nous nous restreindrons pour cela à un domaine précis, celui de la conception architecturale que nous décrivons dans la section suivante. Ensuite, nous montrerons dans le chapitre 3 les conditions que doit remplir un tel système, à partir des travaux que nous avons exposés dans ce chapitre et de nos propres études. Dans le chapitre 4, nous proposerons une première réalisation d'un tel outil: SVALABARD.
Mais plus loin que cela, nous constaterons l'inadéquation même des outils informatiques de conception d'Interaction Homme-Machine qui limitent à notre avis le développement des systèmes interactifs: souvent conçus pour un unique paradigme d'interaction et particulièrement figés, ils conduisent au développement d'interfaces stéréotypées, inadaptées à la réalisation de tâches avancées. L'utilisation de tels environnements pour le prototypage, la conception et la combinaison d'interactions avancées nécessite toujours de lourds efforts de programmation.
De plus, et bien qu'ils ne leur facilitent pas forcément la tâche dans le contexte des interfaces non-standard, ils s'adressent principalement à des utilisateurs programmeurs. Pourtant, il est maintenant acquis par la communauté que les informaticiens ne détiennent que rarement tous les savoirs et les connaissances pour proposer des outils comme ceux que nous avons évoqués précédemment [Chatty et al.2004]. Le travail conjoint d'ergonomes, graphistes et développeurs est devenu un élément clef de la conception des IHM.
Mais les outils dont ils disposent sont-ils adaptés? Comment, dès lors, proposer des outils créatifs si la créativité des concepteurs de ces outils est elle-même limitée par ceux qu'ils utilisent ou qu'ils détournent? Nous aborderons ces problèmes dans la seconde partie de ce mémoire et nous proposerons alors une solution basée sur un nouveau modèle d'architecture logicielle (chapitre 7) réalisé dans une boîte à outils prototype: MAGGLITE.
Mais pour lors, revenons à nos préoccupations sur l'étude des processus de conception créative, et tout spécialement dans le cadre de l'architecture. Dans la section suivante, nous cernerons les particularités du processus de conception architecturale, cadre particulier des notions que nous venons d'aborder. Nous verrons la place qu'y tient le dessin et l'apport que pourraient fournir des outils informatiques, spécialement la modélisation 3D, dans ses premières phases. Associée au chapitre suivant sur les outils actuel de modélisation 3D (outils commerciaux ou expérimentaux), cette section sera, plus qu'un état de l'art, la base des savoirs ayant inspirés nos travaux.

1.2 L'architecture, un exemple de conception créative
La conception architecturale est un exemple concret et complet des notions générales que nous avons évoquées. Devant répondre à des contraintes de départ plus ou moins précises, les problèmes architecturaux sont des problèmes mal définis. Dès lors, l'architecte s'inscrit dans un processus de conception créative, manipulant de larges connaissances issues de domaines transversaux, aussi bien dans des domaines techniques (nombreuses et diverses techniques du bâtiment) qu'artistiques, historiques ou socio-culturels.
En nous appuyant sur les ouvrages référence de Jean-Charles LEBAHAR [Lebahar1983] et de Daniel ESTEVEZ [Estevez2001] sur le sujet, ainsi que sur nos propres expériences et discussions avec des spécialistes du domaine1.3, nous présentons succinctement dans cette section les spécificités du processus de conception architecturale, en regard des notions plus générales que nous avons exposées précédemment. Nous nous attacherons surtout à y cerner la place du dessin et des systèmes informatiques.
1.2.1 La conception architecturale
Selon Jean-Charles LEBAHAR, [Lebahar1983], la conception architecturale fait apparaître trois grandes phases:
Le diagnostic architectural. C'est dans cette phase de la résolution du problème que l'architecte va le cerner et le définir en respect des contraintes de base. Il va alors prendre en compte les contraintes financières du client, la surface et topologie du terrain, les contraintes écologiques, juridique, les règles de conformité. Il va pour cela visiter les lieux, discuter avec son client mais aussi utiliser des documents liés à ces données: des photographies, des plans de géomètre, etc. Combinant le tout avec ses connaissances et savoirs propres, il est alors en phase d'exploration dont le résultat sera une première «base graphique de simulation», mélange de notes et de premiers dessins.
La recherche de l'objet par simulation graphique. Dès lors, le concepteur va entamer ce que nous avions appelé la génération des solutions et leur évaluation, dans un processus incrémental et itératif. Et c'est le dessin qui va être le vecteur privilégié de cette démarche. Il va supporter la simulation, basée sur les transformations successives que va développer le raisonnement de l'architecte, jusqu'à une définition précise de solutions acceptables au problème. Dans cette situation, comme nous l'avions déjà évoqué en parlant de conversation entre le concepteur et son dessin, le dessin est plus qu'un support. Il représente, comme le souligne Jean-Charles LEBAHAR, «l'objet en création et la pensée qui le crée».
L'établissement du modèle de construction. Cette phase est l'établissement des représentations graphiques précises, destinées à rendre claire la solution pour les constructeurs. C'est la «décision définitive concernant l'ensemble du projet» (plans, dessins précis et métrés, avec une échelle spécifiée, etc.).
Nul besoin d'aller plus loin dans les détails de la conception architecturale pour constater que le dessin tient une place prédominante dans ce processus, et ce à toutes ses étapes. Bien entendu, l'architecte a aussi recours à d'autres représentations visuelles. Il utilise divers documents dans les premières phases d'analyse, mais ce ne sont que des apports à sa construction du problème, non des vecteurs de sa résolution. De la même manière, il peut construire des maquettes physiques ou virtuelles de son projet, mais cela présuppose déjà d'une solution aboutie au problème. Elle vont servir à la présentation du projet, à sa communication. Dans une moindre mesure, elles permettront une évaluation supplémentaire de la solution pouvant entraîner des raffinements, mais elles ne constitueront pas un support créatif comme l'est le dessin.

.2.2 Le dessin d'architecture
Afin de cerner les types de dessin d'architecture et leurs fonctions dans la durée d'un projet architectural, nous reprenons dans cette section les trois fonctions adoptées par Daniel ESTEVEZ: le dessin spéculatif, dessin descriptif et le dessin prescriptif [Estevez2001], qui spécialisent celles de Eugene FERGUSON que nous avions déjà évoquées dans le contexte général page .
Le dessin descriptif est le vecteur de communication de l'architecte. Il permet de montrer, mais aussi de voir «ce que ça donne». Le dessin prescriptif est celui qui va permettre la construction, la réalisation de l'édifice. Enfin, le dessin spéculatif est celui que nous avons le plus évoqué jusqu'à présent, le support principal de l'activité créative et conceptuelle. Il ne résulte toutefois pas de cette décomposition une séparation imperméable des fonctions du dessin dans le processus de conception architecturale. Ces fonctions, isolées par Daniel ESTEVEZ pour organiser son discours, s'imbriquent et s'influencent tout au long du processus. Il est d'ailleurs impossible de cloisonner chacune d'elles dans les trois phases décrites précédemment, même et surtout si le «bon sens» suggère une certaine distribution de ces fonctions du dessin au cours du temps1.4.
Toutefois, il s'avère qu'elles offrent une vision claire des différents objectifs du dessin d'architecture. Dans le contexte de nos travaux (offrir de nouveaux outils informatiques supportant la créativité dans la conception), elles vont permettre d'identifier les besoins en la matière mais surtout les apports possibles, en particulier dans les phases préliminaires de conception. Dans ce contexte, les fonctions descriptives et prescriptives du dessin ainsi que les techniques qui leurs sont associées, ne paraissent pas essentielles au premier abord. C'est assez trivial dans le cadre du dessin prescriptif, dont la nature précise et finalisée l'écarte à priori des phases préliminaires de conception. Il est par contre plus aisé de voir le dessin descriptif s'inscrire dans les premiers moments de la démarche créative, permettant ainsi une évaluation individuelle ou collective du résultat. Nous verrons pourtant l'importance relative que peuvent prendre ces deux fonctions dès le début de la conception, ainsi que l'importance que pourraient (ou plutôt devraient) leur donner des outils informatiques à ce niveau.

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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 16:05

1.2.2.1 Le dessin descriptif
Le dessin descriptif va permettre à l'architecte de «rendre visible» l'objet qu'il crée. Il va par ce biais chercher à communiquer ses idées et leurs concepts aux autres acteurs du projet, mais tout particulièrement à son client. Dès lors, il doit garder une part d'indéfini et s'attacher à représenter une idée générale, dans l'optique de ne pas figer la vision de son commanditaire. Cela aurait l'effet de brider ses démarches exploratoires ultérieures si la conception n'est pas terminée, ou de provoquer un désaccord si les premières descriptions ont été considérées comme finales.
Ce dessin descriptif utilise principalement la technique de la perspective afin de rapprocher le plus possible l'objet en création de sa future réalisation. Un point intéressant sur le dessin en perspective est que la technique proprement dite, basée sur la géométrie projective, ne concorde pas avec les propriétés du système perceptif humain. C'en est une simple réduction géométrique, écartant certaines notions essentielles de la perception: flou des contours lointains, incertitude des limites du champ visuel, appréciation des fuyantes.
Dès lors, le dessinateur va devoir adapter son dessin afin de le rendre cohérent avec la vision réelle qu'il veut en donner. Cela passe par un choix précis de la disposition des objets et de la distance d'observation, mais surtout par de légères violations des règles géométriques de la perspective. Un exemple en est la correction quasi systématique des déformations latérales et des fuyantes verticales.

1.2.2.2 Le dessin prescriptif
Le dessin prescriptif va servir à la construction du bâtiment. Il va établir la communication finale entre les idées de l'architecte et les acteurs de la réalisation physique du projet: les dessins de construction, plans et nomenclatures. Plus qu'une simple transformation technique de ces précédents croquis, l'architecte va, à partir des solutions qu'il a établies et qu'il considère comme valables, poser un nouveau regard permettant la détection d'inconsistances [Lebahar1983]. Ce passage du conceptuel au constructible implique une grande clarté, supprimant les ambiguïtés. Les représentations figuratives obéissent alors à un code graphique précis et définis, associé à des nomenclatures, détails des matériaux, etc... C'en est fini de «l'espace des solutions» et de la «réversibilité des choix», l'une des solutions est choisie.
1.2.2.3 Le dessin spéculatif
Nous avons souligné que la conception est une manipulation d'abstractions par leur schématisation, axée sur la globalité, une vue détachée mais unifiée de l'objet. Dès lors, en architecture comme dans un cadre plus général, le dessin lors des phases préliminaires de conception est plus qu'une simple représentation graphique, mêlant conceptualisation et évaluation. L'architecte va utiliser le dessin pour sélectionner et façonner les traits significatifs et pertinents de ce qu'il crée, en fonction des concepts qui guident son analyse.
Un point très important est la propension qu'à le dessin à dialoguer avec son auteur. Outre le fait qu'il favorise l'émergence d'idées spontanées, support incontestable de l'expérimentation, sa disposition spatiale entraîne la perception des relations et inconsistances entre les concepts qu'il représente, point indispensable de la conception architecturale. En effet, la mise en relation successive, rapide et simultanée de contraintes et d'objectifs de sources différentes (structure, fonction, usage, ...) facilite la recherche de cohérence, menant à ce que Jean-Charles LEBAHAR appelle la «réduction d'incertitude» [Lebahar1983].
Finalement, le dessin dit spéculatif en architecture ne présente pas vraiment de caractéristiques spécifiques par rapport à celles que nous avions déjà évoquées dans le cadre général (voir la section 1.2.2). Il est par contre important d'observer plus avant les aspects techniques propres à ce domaine, du croquis au dessin en plans, coupes et élévations (le dessin géométral). Nous évoquerons aussi l'utilisation d'un support cher aux architectes: le
calque.
Le croquis
Au vu de nos lectures, observations et discussions avec des architectes, si l'on devait n'utiliser qu'un seul mot pour caractériser le croquis d'architecture ce serait liberté. Le croquis à main levée, bien que souvent dans une vue perspective, n'obéit en effet à aucune règle graphique ou technique, visant avant tout la concision et la rapidité d'exécution. Il illustre une intention plus qu'une réalité ou qu'un but, afin de produire l'effet spéculatif sur son observateur (le dessinateur, dans la plupart des cas). Dès lors, toute considération de précision est écartée (mesures, échelle, ...) pour susciter l'exploration, la projection mentale .

Le croquis. Ce croquis de LE CORBUSIER, le musée à croissance illimitée - 1939, illustre parfaitement l'aspect conceptuel du croquis. Il illustre un concept, se basant ici sur la métaphore de la spirale, dont la déclinaison va progressivement construire l'objet. Il ne fait appel à aucune technique particulière, ou plutôt il fait appel à toute représentation utile.
Le croquis est donc pour l'architecte «un moyen de simplifier la réalité pour illustrer une intention en allant à l'essentiel» [Estevez2001]. Il n'est pas juste de le qualifier de «photographie de la pensée», le terme de photographie impliquant trop de précision et d'exhaustivité. Le croquis suit la pensée de l'architecte, lui permet de sélectionner les traits qu'il va considérer comme importants et de les remettre en cause par leur observation. Nous employons d'ailleurs le mot traits dans deux sens: le trait de crayon, et le trait au sens de caractéristique. Les choix des caractéristiques importantes, les itérations dans l'espace des solutions se font par la sélection et la superposition des traits du dessin. Comme nous l'avons dit dans le cadre plus général du processus de conception, les traits accentués par repassage (avec ou sans
calque) sont plus que de nouvelles versions, ce sont des révisions et combinaisons d'idées. Dès lors, l'on peut qualifier le croquis de prolongement de la pensée de l'architecte, sa concision étant liée à la nécessité de suivre la rapidité du raisonnement, son imprécision étant liée aux aspect flous de ce même raisonnement (représenter une intention, et ne fermer aucune porte).
Le croquis d'architecture se décompose en deux catégories:
Le croquis d'analyse et d'observation, essentiellement voué à extraire le concept architectural qui a sous-tendu la conception d'un bâtiment construit ou au moins conçu.
Le croquis d'étude, qui est l'esquisse de conception, celui dont nous discutons ici. Il diffère du croquis d'observation par sa démarche de simulation graphique, contrairement à la vision à posteriori du premier.
Bien que pouvant être distinguées par leur finalité, ces deux catégories de dessins demeurent proches de par leur caractère conceptuel.
Le dessin géométral
Le dessin géométral est un mode de dessin que l'on peut qualifier de plus technique, en deux dimensions, et qui consiste à fragmenter la représentation en coupes, plans et élévations. Le qualificatif de «technique» n'implique pas pour autant, dans les premières phases de conception, une notion de précision dans les mesures et l'échelle. Car, c'est un fait constaté par tous les observateurs de la tâche de conception architecturale, ce type de dessin est celui qui est utilisé majoritairement par les architectes. La perspective, ou autres représentations que l'on pourrait qualifier de réalistes (maquettes), n'interviennent que plus tard dans le projet.
L'utilisation de cette décomposition des dimensions soulève, selon Daniel ESTEVEZ, le « paradoxe du géométral». En effet, ces dessin fragmentent le projet, ce qui est à priori contraire à la démarche globale de la résolution du problème, et de plus ne semblent pas prendre en compte les aspects volumiques (deux dimensions). Il ressort surtout des études que présente l'auteur que c'est une décomposition de l'horizontal et du vertical, privilégiant le plan (là ou l'Homme évolue), et focalisant l'architecte sur les points d'intérêt, sans pour autant les déconnecter. Ces représentations ne négligent pas l'aspect tridimensionnel, mais rendent la figuration plus proche des images mentales du concepteur, habitué à les manipuler.
Le
calque

Bien plus qu'un
papier
«semi-transparent» comme nous le connaissons pour recopier des dessins, le calque fut longtemps pour les architectes le papier à dessiner. Cette tendance à toutefois diminuée, mais les habitudes sont tenaces (sûrement parce-qu'elles ont fait leurs preuves) et les architectes utilisent toujours du papier calque, appelé calque d'étude, sous forme de rouleaux de petite dimension. Ce papier est surtout utilisé comme support pour réaliser des croquis rapides, à tous moments et endroits. Mais le calque sous cette forme est aussi utilisé pour effectuer des retouches ou différentes variantes sur un dessin, plan ou croquis, en déroulant une pièce du rouleau sur la première feuille.
Dès lors, il est à prendre en compte que l'architecte peut, en plus de la technique de dessin en elle-même, faire intervenir le support physique dans sa démarche. La propriété de transparence du calque permet de l'utiliser comme un support à des alternatives issues d'une même base de départ. Mais cette utilisation est rare en architecture. En effet, le calque est principalement utilisé pour assurer la conservation de solutions satisfaisantes tout au long du projet. Il fait alors office de mémoire, permettant de constituer des couches dans l'élaboration des solutions au problème. Lorsqu'une solution semble convenable, l'architecte la conserve et rajoute un calque par dessus pour continuer à travailler sur des parties encore insatisfaisantes ou tout simplement pour élaborer de nouvelles solutions. Le projet évolue, sans que les nouvelles solutions ne remplacent jamais vraiment les anciennes, ou toutefois en gardant une trace de leur évolution, leur mise en relation étant assurée par la transparence.
L'architecte Louis I. KAHN, avait associé le calque au fusain. Outre les apports « transparents» du calque, l'utilisation du fusain lui permettait d'estomper, quasiment effacer des traits de la main lorsque ceux-ci ne le satisfaisait pas. La conjonction fusain-calque fait alors qu'il reste une trace du trait sur le calque, mémoire du dessin (la figure 1.8, croquis de phase préliminaire de conception de Louis I. KAHN, montre à plusieurs endroit des corrections faites par le concepteur).

Figure 1.8: Calque et fusain. Un dessin de conception de l'architecte Louis I. KAHN, réalisé au fusain, sur du calque. Ce croquis porte la mémoire des étapes de la conception, par les traits, leur superposition et leur persistance. Image tirée de The Louis I. Kahn Collection, Univeristy of Pennsylvannia, http://www.design.upenn.edu/archives/majorcollections/kahn.html.
Finalement, il nous paraît clair que le dessin spéculatif, le dessin de la pensée (de l'analyse aux solutions), se caractérise avant tout par la liberté que prend l'architecte pour arriver à ses fin. Liberté qu'offre le croquis, de par sa simplicité d'emploi. Il est en effet courant d'observer un (ou plusieurs) concepteur(s) en train de griffonner sur un coin de table ou sur un sous-bock à bière1.5, comme le montre la figure 1.5 au début de cette section. Le croquis est accessible à tous moments et en tous lieux. Mais la notion de liberté se retrouve aussi dans les aspects techniques du dessin de conception de l'architecte. Il va utiliser toutes les représentations figuratives dont il dispose (croquis, en perspective ou plans, coupes, élévations, calques) pour supporter son processus de création mental, dégagé de beaucoup d'aspects techniques (Michel-Ange disait qu'«On ne dessine pas avec sa main; mais avec son cerveau.»). La figure 1.9 est une esquisse d'étude tirée de [Lebahar1983] qui illustre bien ce propos de mélange des techniques sur un même dessin.
Figure 1.9: Esquisse d'étude. Cette esquisse tirée de [Lebahar1983] illustre l'emploi de différentes pratiques figuratives pour supporter la conception architecturale (organigramme, croquis perspective, plan, coupe).
Dès lors que nous avons vu les trois activités principales de la conception architecturale (diagnostique, simulation graphique et modèle de construction), ainsi que les différents types de représentations graphiques qui s'y entrecroisent (dessins spéculatif, descriptif et prescriptif), nous pouvons nous poser la question de la place que tient l'informatique dans ce processus.


Dernière édition par zahira bouguerra le Ven 30 Oct - 16:12, édité 1 fois
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Message par bouguerra.z Ven 30 Oct - 16:07

1.2.3 La CAO et l'informatique en architecture

De par les capacités de calcul et de représentation qu'ils offrent, les outils numériques ont rapidement été perçus comme pouvant aider à la conception, en particulier en architecture: simulations, rendus graphiques, archivage, etc. Historiquement (nous en reparlerons au début du prochain chapitre), l'ordinateur a d'abord permis de produire des images, des sorties graphiques. Ces premiers systèmes datant des années 70 ne proposaient pas d'interfaces graphiques et de fonctionnalités temps réel comme nous les connaissons aujourd'hui. L'objectif principal était alors la spécification et la modélisation des outils mathématiques nécessaires à cette production de représentations graphiques. Puis progressivement, ces systèmes ont évolués vers l'interactivité en conservant l'existant, proposant une démarche centrée sur la représentation graphique sans vraiment présupposer des méthodes de travail des concepteurs (en particulier en architecture). Ces outils, dit de CAO (Conception Assistée par Ordinateur), sont à notre avis « passés à côté» en faisant de cette représentation graphique un but, alors que comme nous l'avons vu tout au long de ce chapitre, c'est un moyen, un outil.

1.2.3.1 La place actuelle

La CAO tiens de nos jours une place importante dans la majorité des bureaux de conception architecturale.
Place ouvrant même des possibilités inédites, selon l'architecte de renom Franck O. GEHRY: «The Guggenheim museum in Bilbao and the Walt Disney Concert Hall (in Los Angeles) could not exist today if we hadn't met Dassault, because there was no way to explore these kinds of shapes and make them economically feasible» [Day2004].
Si l'on écarte toute considération de partenariat et de publicité pour la firme produisant le logiciel CATIA [Dassault Systemes2002 2004] utilisé par l'équipe de l'architecte, cette phrase situe tout à fait la situation actuelle de l'informatique dans le processus architectural: la vérification du matériellement possible. La modélisation 3D extrêmement précise qui a été produite à partir des concepts de l'architecte a permis de valider leur faisabilité (matérielle et économique), mais elle n'en n'a pas été le support. Nous ne renions en aucun cas cet apport. Mais force est de constater qu'il n'a pas aidé le concepteur dans sa démarche première, dans les premières étapes de la conception1.6. Il est toutefois évident que cette démarche d'utilisation de l'informatique fait partie du processus de conception, car il est probable que les premières simulations ont engendrées des retours en arrière, des modifications du projet. Mais pour le concepteur, nous sommes d'avis que «tout était déjà joué» au niveau conceptuel.
Le constat est donc assez aisé à faire. Si l'on met en relation la CAO et le dessin de l'architecte, celle-ci n'intervient qu'à des niveaux descriptif et prescriptif, dans les phases avancées du projet. La CAO permet de produire des maquettes virtuelles, à des fins de présentation.

La CAO offre aussi la possibilité, par des modèles construits au fur et à mesure du projet, d'orienter des choix de conception ou de vérifier des contraintes qui n'ont pas encore été prises en compte dans les premières phases. Cela s'étend au niveau prescriptif par l'utilisation de logiciels spécialisés à l'architecture, permettant la correction automatique de plans, ainsi qu'une production aisée des dessins de construction, des prévisions de coûts, etc. (en fournissant des ensembles de symboles normalisés, en intégrant des bases de données de matériaux ou de fournitures spécifiques, par exemple). La figure 1.10 illustre ce propos.


Figure 1.10: La CAO à l'heure actuelle. Les logiciels actuels de CAO permettent d'établir des plans de construction (figure (a)), ainsi que des rendus de présentation (figure (b)) dans un même environnement.

La CAO est donc largement utilisée dans la conception architecturale (nous en voulons pour preuve la place croissante qu'elle prend dans les cursus des écoles d'architecture), mais n'est pas encore beaucoup plus qu'un support à l'ingénierie. Il est d'ailleurs amusant d'observer dans des magazines spécialisés en architecture, ou dans des discussions sur internet, les craintes qu'émettent nombre d'architectes ou d'étudiants de tous âges en regard de la place que prend la CAO dans leur domaine. Beaucoup semblent s'inquiéter d'une possible disparition du dessin classique au profit des technologies informatiques. Même si nous ne partageons pas ces craintes, étant convaincus au moins autant qu'eux de l'importance du dessin dans la conception créative, nous comprenons toutefois leurs inquiétudes, probablement la conséquence de leurs références en matière de logiciels. Car il serait en effet dramatique, même si c'est improbable, que les outils actuels de CAO deviennent les papiers/crayons de demain. Il est alors important de bien définir les apports envisageables par les futurs systèmes informatiques, en se focalisant sur leur insertion dans le processus de conception et leur adaptation au concepteur (plutôt que le contraire).

1.2.3.2 Les apports envisageables


Il est admis par la communauté de chercheurs travaillant sur ce sujet que la CAO, et plus généralement les systèmes informatiques, peuvent être un atout évident dans les premières phases d'un projet architectural. L'ordinateur pourrait devenir un partenaire performant dans l'analyse d'un problème, et en particulier pour l'accès à la connaissance. Mais il ne doit toutefois pas devenir un «filtre», fermant l'espace des possibilités du concepteur. Cette idée d'accompagnement s'étend aussi à la génération de solutions. Mais encore une fois, il ne doit pas non plus devenir le guide de la génération de ces solutions. C'est dans cette optique d'assistance que se sont orientés les travaux dans le domaine des Systèmes à Base de Connaissances, dont nous reparlerons plus en détail dans le chapitre suivant [Gero et Maher1993,Flemming et Woodbury1995,Guena1997,Boucard2004].
Dans une même optique, les capacités de calcul des ordinateurs, associées à des modèles numériques et des simulations sur les facteurs importants de la conception architecturale (éclairement, acoustique, par exemple), peuvent être un atout supplémentaire dans les premières phases de la conception architecturale. Bien que ces notions ne soient évidemment pas écartées par les architectes, elles sont toutefois difficile à envisager précisément dans les toutes premières phases du projet, nécessitant une représentation numérique déjà aboutie du projet. Pourtant, leur prise en compte au plus tôt dans la conception peut être une source supplémentaire de créativité [Leclercq et al.2004], ouvrant l'espace des solutions possibles et ajoutant des paramètres à son évaluation.

Du point de vue des représentations graphiques, l'informatique peut aussi former une liaison entre le spéculatif et le descriptif, en permettant d'obtenir des visualisations avancées (en trois dimensions) dès les premiers croquis. L'architecte ne considère pas réellement l'aspect volumique dans les premières phases de conception, et de toute façon il fait preuve d'une maîtrise de cette dimension même à partir de ses croquis en deux dimensions [Lebahar1983,Estevez2001]. Toutefois, cette association permettrait peut-être d'intégrer l'enveloppe aux autres préoccupations plus fonctionnelles et conceptuelles du début de projet et d'intégrer les simulations dont nous parlions précédemment. Dans cette optique, notre préoccupation première n'est pas forcément de savoir si les architectes utiliseraient forcément et systématiquement de tels outils, et si ceux-ci seraient un apport indispensable pour tous. L'architecture n'en a pas eu besoin jusqu'alors. Notre démarche ne consiste pas non plus à imposer de nouvelles méthodes de conception, ce que l'informatique actuelle a plutôt tendance à faire. Notre propos est plutôt axé sur le fait que si l'on ne propose pas de telles possibilités, leurs éventuels apports ne pourront être explorés. Nous en revenons donc à l'insertion transparente de nouveaux outils dans la démarche de conception architecturale, de telle manière que l'architecte soit le seul à décider si il va les utiliser ou non.

De ces apports possibles de l'informatique dans les premières phases de la conception architecturale, il ressort surtout le besoin préalable de composer un modèle numérique, en deux ou trois dimensions, de l'objet en cours de création et d'établir un dialogue avec le concepteur (comme le dessin, d'ailleurs). En effet, bien qu'encore en constante évolution, les systèmes de représentation de la connaissance ou de simulation que nous avons évoqués, deviennent utilisables de nos jours. Le problème est leur insertion au plus tôt dans la résolution du problème, au moment où tous les paramètres des solutions envisageables n'ont pas été définis, lorsque l'architecte utilise encore des procédés figuratifs flous. La solution est à notre avis d'orienter le dialogue entre le concepteur et la machine dans la même voie que celui qui s'installe avec son dessin. Cela implique alors la prise en compte de cette activité dessin comme interaction avec le système, avec tout ce que cela suppose en terme d'interprétation (pour en tirer les informations utiles), mais aussi en terme d'adaptation à la tâche (techniques d'interaction, retours graphiques, visibilité du système): la saisie du modèle numérique doit s'effectuer de manière transparente lors des activités figuratives de l'architecte.

Au delà de la vision du système informatique de bureau d'étude, cet interfaçage par le dessin entre le concepteur et l'ordinateur revêt un aspect primordial dans le cadre de l'informatique nomade. La conception architecturale, comme tout autre activité créative d'ailleurs, est une activité de tous lieux et de tout moment, pouvant s'inspirer de situations ou d'endroits particuliers. Il est à notre avis encore plus difficile d'utiliser les outils de CAO actuels sur un banc ou dans le métro que dans un bureau. C'est pourquoi un tel paradigme d'interaction (le dessin), associé à un TabletPC, composerait un outil similaire au classique carnet de croquis de l'architecte, avec en plus la dimension ajoutée par la numérisation, l'analyse et l'interprétation des dessins. Cette notion peut même être poussée encore plus loin avec la notion de papier augmenté [Guimbretière2003].

En plus de ces considérations sur la démarche individuelle de conception qui font l'objet de nos travaux, il est aussi important de souligner les atouts indéniables que l'informatique peut fournir dans le cadre du travail collaboratif. La conception mets en jeu la participation de nombreux acteurs et faciliter leur collaboration est aussi un enjeu majeur de la recherche sur les processus de conception [Béguin et Darses1998] et en informatique [Candy et Edmonds2002,Mamykina et al.2002].

Enfin, des apports à ne pas écarter, même si ils ne relèvent pas non plus spécifiquement de notre domaine de recherche, concernent les aspects émergeants de la réalité virtuelle et de l'informatique enfouie (ubiquitous computing). L'architecture connaissait déjà le domaine de l'architecture éphémère [Monin2001], elle découvre depuis quelques années le domaine de l'architecture virtuelle où des projets architecturaux entièrement virtuels ne sont plus voués à la construction. Ainsi, la compétence des architectes s'applique à la création de lieux virtuels, de par leur maîtrise de l'espace, du fonctionnel, mais aussi de l'esthétique1.7.
À l'inverse, le projet architectural standard, voué à être construit, commence à intégrer l'informatique (notamment dans le cadre de l'informatique enfouie) dans son rapport à l'espace, aux bâtiments et à l'infrastructure. Ce ne sont pas que des décors ou des rajouts, cela fait partie intégrante du bâtiment et des concepts sous-jacents. Dans ces perspectives, architecture et informatique sont déjà intimement liées pour avancer vers une certaine rupture avec les conventions.
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Message par rezki archi Mar 9 Nov - 0:37

merci bcp mon ami

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Message par manouski21 Ven 28 Oct - 20:27

Mad il fallait citer la source à la fin

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